L'Homme qui a vu l'Homme Qui a vu l'Homme qui a vu l'Ours...
(Chroniques du dedans de moi)
LE LIVRE D'OR / Retour Ecrit du jour / Organigramme à partir du 18 Août

La mer des âmes : dix minutes
14 heures 50, le 24 juillet 2004

- Et si on recommençait tout à zéro ? Et si on reprenait tout depuis le début, depuis l'origine et ce qui englobe ? Et si avant de commencer, on plongeait dans la mer des âmes avant de comprendre ce qu'il en sera ?
Il n'avait pas l'air bien gros. Ni bien vif. Ni particulièrement intelligent le petit écrivain. Ses questions, toutes pleines du désir de s'élever au-dessus de sa modeste condition, n'étaient même pas bien formulées.
La terrifiante et absolue limite des mots. Ils ne peuvent jamais refléter les aspirations de l'âme. Ils ne peuvent en être qu'un très pâle écho qui parvient à plus ou moins se faire entendre quand celui qui les dit possède un peu plus de talent que les autres habitants de la mer des âmes.
14 heures 55, et déjà, d'ici cinq minutes le prologue s'achèvera.
Il se gratte les jambes et la tête le petit écrivain, il tente de faire un peu de lumière dans son esprit et de ne pas penser au poids qu'il a dans l'estomac, à cet étrange malaise qui l'accompagne tous les jours et dont il ne parvient pas à se débarrasser.
- Tout vient pourtant de là-bas. Tous est de là-bas. C'est par cela qu'il faudra commencer. Raconter l'histoire de la création.
Quelle ambition, quelle présomption, quelle vanité possède le petit homme. Vouloir raconter l'histoire de la création.
- C'est au moins une chose qui promet d'être intéressante. C'est un bon début. Crie-t-il aux doigts qui courent sur le clavier.
D'accord. Admettons. Oublions la vanité ou la présomption. Oublions le fait que nous puissions tous n'être que des ratés et que ceci ne soit que la projection des pensées d'un autre raté.
Nous allons le laisser parler de la création.
Dans quelques heures, ou dans quelques jours, parce qu'il est quinze heures et que les dix minutes sont passées.

La mer des âmes : trois minutes
2 heures 50, le 26 juillet 2004.

Assis, tout petit, sous la lumière tremblante, il attend.
Il attend que ses maux passent, il lutte contre pensées obscures qui noircissent le chemin, contre le ver de l'angoisse qui s'insinue dans la poitrine, l'estomac, l'œsophage, le cœur et la raison.
Il ferme les yeux et il se dit :
- J'écoute trop mon corps.
Il rouvre les yeux et il se dit :
- Quelqu'un attend que je parle avec lui. Quelqu'un qui a besoin que je prenne un crayon et un papier.
Il prend un papier et un crayon et il écrit.

3 heures 16…
Il a dessiné plusieurs choses, il a eu une connexion avec l'autre côté.
Il faut qu'il continue comme il a commencé ce soir, il faut qu'il travaille ses empreintes. Il doit accepter quelque chose en lui qui s'appelle la Foi.
Il est temps de jeter de vieux oripeaux.
Garde la foi, espère les arrivants, montre de la générosité, parle plus souvent avec les morts, essaie de comprendre les dessins.
Un homme se dirige vers une église au sommet d'une colline, une femme pénètre dans les bois en abandonnant une sorte de cabane, un esprit doit rayonner plus loin, un loup se tient sur le chemin, un visage torturé a cinq tentacules qui finissent en tête de serpent. Voilà les dessins.

Avoir la Foi… se dit le petit homme.
Et pourquoi pas ?


L'endroit où s'en vont les étincelles.
4 heures 48, le 27

Il l'a senti hier soir. Il en a rêvé dans la nuit. Il a même rêvé qu'il rêvait de la mort d'une vieille femme avant de découvrir celle-ci dans une maison voisine de celle de sa mère.
Les morts ne sont pas toujours des gens très discrets.
Et ils ne sont pas toujours invisibles au point de ne pas être ressentis.
Un rêve prémonitoire dans un rêve.
Mais qui est cette vieille dame avec ses chats qui est passée de vie à trépas ?
Tout à l'heure, je parlerai plus des étincelles.

Tout à l'heure…
5 heures 32, le 28.

Combien de temps fait " tout à l'heure " ? Spécialement quand on est fatigué ?
Combien de temps durent les étincelles avant de s'en aller ?
Pourquoi l'esprit gouverne-t-il autant la matière ?
Pourquoi certains ont-ils absolument besoin d'avoir mal pour exister ?
Ressentir l'angoisse de sa propre mort, est-ce synonyme de se sentir encore en vie ?
Des images valent-elles un long discours ?
Où s'en vont les textes, sur un ordinateur, quand celui-ci ne veut plus s'allumer ?
Pourquoi est-ce que certains n'ont pas de volonté ?

Il se pose vraiment beaucoup de questions, ce soir, le petit homme.

Le ventre de l'oubli
5 heures 29, le 29.

Dans le ventre de l'oubli, il n'y a rien.
Du moins jusqu'à ce qu'il se mette à digérer.
Et lorsqu'il digère, le ventre, il s'empresse d'oublier.

- Ces conneries qu'on peut écrire lorsqu'on a rien à dire… Se dit le petit homme.
- Ces conneries qu'il faut réciter à la va-vite lorsqu'on n'a pas le temps de les composer… Souffle un ange, là-haut.

Dans le ventre de l'oubli, il y a finalement une chose.
L'oubli.


Le petit homme regarde les trois pierres qu'il a tirées aujourd'hui.
Fehu, Odin, Teiwaz…
Savoir ce qu'on veut, ouvrir grandes les portes de la destinée, abandonner les vieux oripeaux pour être un véritable guerrier spirituel.
Les pierres, heureusement, ça ne se mange pas.
Sinon elles auraient fini dans le ventre de l'oubli.


Veille du départ

5 heures 30, le 30.

Il est à la veille de prendre une pause. Pour la première fois depuis plus de deux ans, il n'écrira pas pendant une quinzaine de jours.
Quinze jours qui seront sans doute salutaires pour mettre des petites choses au point.
Il est bien désolé pour ceux qui attendent sa prose et qui se trouvent avec moins de matière ces derniers temps.
Mais il a d'autres choses à penser. Préparer quinze pages avec des photos, réfléchir à un plan de travail, s'organiser pour le départ en vacances, poser une bombe à l'Elysée.
Hé hé hé hé.
Poser une bombe à l'Elysée. C'est en partie ce dont il parlait aujourd'hui dans sa chronique avec des photographies.
Ca ne devrait pas être drôle. Mais il croit résolument qu'il n'y a aucun tabou et qu'on rire de tout.
Sacré petit homme. Il a la tête presque aussi gonflée que ses pieds.

Dix-huit jours de silence…
4 heures 55, le 31…

Ainsi s'achève le mois de juillet. Ainsi commencera bientôt l'année qui suit mon anniversaire. Ainsi, je vais devoir d'abord faire silence avant de pouvoir me ressourcer.
Que de pensées terrifiantes, hein, petit homme ?
Ne plus pouvoir te retrouver avec les autres allures du toi, ne pas pouvoir étaler ta prose lorsque ton cœur est trop serré ou que des vertiges s'emparent de ton esprit beaucoup trop angoissé.
Arriveras-tu à tenir le coup ?
Oh, bien sûr… Te dis tu. Car tu penses être de la race de ceux qui vont jusqu'au bout lorsqu'ils ont décidé leur chemin.
Cesse de penser. Deviens sûr ! Souffle Lucifer qui sort des bois.
Cesse de penser, laisse couler l'instinct ! Crie l'être ailé au-dessus des bois.
Le métal froid de l'épée s'entrechoque avec le bois dur bâton. Le guerrier voudrait tant être un magicien. Le magicien voudrait tant savoir se battre.
Il est temps de célébrer l'union. Hurlent les runes et les mots.
Guerrier spirituel. Esprit silencieux.

Dix-huit longs jours de silence. Dix-huit jours afin de se retrouver.
Est-ce si insupportable de ne pas écrire chaque jour dans la grande toile numérique ?
Non. Si c'est pour revenir meilleur.

Et le vent souffle sur la plaine dévastée.
Et la pluie tombe sur les rochers érodés.
Et le froid paralyse les chairs trop usées.
Pourtant, il fait encore jour et lumière de l'été.
Pourtant, la lune sera pleine dans le ciel agité.
Une larme coule. Souris, porteur de l'épée.


Dans le sombre écho de l'abîme

17 heures 22, le 17.

Ca pourrait faire un bon titre pour une chronique romantique fin dix-neuvième, écharpe au vent, langueur lourdement portée sur les épaules.
Je vois plutôt ça comme un titre comique.
Demain je m'y remettrais vraiment puisque le dernier chapitre titre dix-huit jours de silence.
Mais je peux déjà me poser la question :
- Me suis-je retrouvé ?

Tadatatsoin. Oui.
Mais il va peut être falloir que je change quelques lettres quant à ce qui concerne ma religion.
H pour humour, on est toujours d'accord. Je ne cesserai d'avoir un œil amusé, même sur le plus essentiel car je pressens qu'il y a quelque chose d'ironique dans l'existence. Pas vainement ironique, s'entend. Mais, d'un point de vue extérieur ou détaché, il y a de quoi rire. De tout. Toujours. Même dans le pire des malheurs. Même en face du plus crétin des extrémistes.
I pour imagination. Aussi. On est bien d'accord que ça doit rester un moteur essentiel. C'est juste que je dois apprendre à combiner différents vecteurs. Et qu'il faut que je me force à trouver des choses encore plus essentielles dans l'écriture ou dans tout ce qui arrive dans mon petit crâne.
V pour vision. C'est de pair avec l'imagination, hein. Mais disons que c'est ce que je ne contrôle pas. Ce qui ne vient pas de moi. J'ai besoin d'en avoir. J'ai besoin aussi de découvrir des nouvelles choses par le sens de la vue, du toucher ou d'un éventuel truc oublié.
A pour art. Essentiel. Le point de vue de celui qui voit ou qui imagine ou qui fait de l'humour ne peut être que celui d'un artiste. Mais artiste détaché du côté pédant et pompeux que cela implique souvent. Je n'aime pas l'Art quand il se prend trop au sérieux.
V était pour Volonté. Mais la religion n'est pas affaire de volonté. C'est juste une question de foi. Je vais mettre voyage maintenant. Il faut voyager. Ou que ce soit. En esprit ou en vrai. Toujours essayer de naviguer avec d'autres points de vue. Toujours percevoir avec un regard différent. J'ai découvert que la force de l'habitude était une chose horrible.
I était pour intuition. Ca le fait bien. C'est sûr. Mais c'est carrément redondant avec vision. Et c'est quelque chose qui est difficile à travailler. Introspection correspond mieux à tout ce que j'ai fait depuis quelques années. Apprendre à se connaître et à connaître les autres de l'intérieur permet d'apprendre à mieux connaître les autres. On est tous branlés pareil, après tout.
Ceci dit, je me dis qu'un truc du genre Indépendance pourrait aller et si je pioche le premier mot en i que je trouve dans le dictionnaire, je tombe sur invincibilité.
Alors quoi ? Si je n'arrive pas à mettre un mot derrière ce dernier i, si je veux qu'il puisse aussi bien coller à intuition qu'à introspection ou invincibilité, il ne me reste plus qu'à le définir comme " Inconnu ".
C'est avec un certain sens de l'humour que j'entame maintenant mon voyage sur la mer de l'imagination et c'est avec un certain sens artistique que je décrirai mes visions de ces horizons inconnus.

C'est pas top, mais ça colle. Et puis ça ne vaut que pour moi pour l'instant.
Et puis je peux imbriquer les six mots comme je veux. Imaginer l'inconnu. Rire du voyage. Voir l'Art dans sa forme la plus essentielle.
Six préceptes qui correspondent d'ailleurs plus à une philosophie qu'une religion.

Qu'est-ce que j'ai gagné du Voyage ?
- Apprendre à voir certaines choses différemment, sous un autre angle. Ca permet de pouvoir les goûter plus longtemps. Avez-vous déjà songé à regarder les choses autour de vous avec l'œil d'un touriste étranger ? D'un coup, elles deviennent magiques.
- Accepter le fait qu'il existe vraiment quelque chose au fond de moi qui tient du mystique et apprendre à lâcher la bride un peu plus souvent à cet aspect-là. Il y a ces connexions que j'ai eues pendant le voyage ou ces énergies que je suis capable d'appeler qui me permettent de surmonter nombre de phobies et d'angoisse, qui me guident aussi.
- Comprendre que si j'ai apprivoisé l'ange et le démon, le guerrier et le magicien ne demandent qu'à naître, eux aussi. De quatre, il est sans doute possible de devenir deux. Le guerrier a beaucoup à apprendre du démon. Le magicien a beaucoup à retenir de l'ange.
- Analyser plus en profondeur mes travers et accepter encore plus la possible émergence de ceux-ci de temps en temps. Comme tout un chacun, je suis alpha et oméga. La pensée positive et tout le gna gna gna, c'est bien. Mais il n'est pas possible de n'être que gna gna gna. C'est trop solennel, trop étouffant, pas assez naturel.
- Des pistes. De sérieuses pistes à creuser. Ca me laisse d'ailleurs le cul entre deux chaises. Mais je crois que l'effort de synthèse ne pourra être que profitable. Si tu es constitué de plusieurs briques, pourquoi en rejeter certaines ? N'est-il pas possible de profiter de sa maison quels que soient l'ensemble des matériaux qui la constituent ?
- Des ailes. L'humanité est essentiellement constituée de moutons, de bergers et de loups. Je sais maintenant qu'il y a aussi quelques papillons. Je veux définitivement être un papillon qui pourra se poser à son gré sur les épaules des trois premiers. Il est hors de question de n'être qu'un leader, qu'un mouton ou qu'un prédateur.

Hu ho.
Post-ado un peu attardé tout ça, n'est-ce pas ?
Et alors ?
Nous le sommes quasiment tous. C'est juste qu'on préfère prendre les chemins qu'on croit plus faciles - mouton, berger ou loup - en cherchant à oublier cet âge du passage, cette frontière avec tous les possibles.
Papillon.
Je suis une famille de papillons. Des dizaines et des centaines de générations qui suivent parfois en parallèle ou qui croisent les chemins des autres - moutons, bergers ou loups.
Et ça ne sera plus jamais autrement. Parce que les moutons, les bergers ou les loups, ils ne volent pas. Taratata.


A l'aube du premier jour
18 août, 18 heures 38.

Ce matin je me suis levé en me forçant à voir les choses sous un autre angle. J'ai pris ce yaourt à l'abricot dans le frigo. C'était le premier qui venait. D'habitude, c'est Kat qui les mange. Pas que je les déteste, non, simplement que ce ne sont vraiment pas mes préférés. En fait, de tous les yaourts aux fruits qui existent en France (parce qu'on est bien le pays où on a le plus de choix en la matière), c'est abricot que j'aime le moins.
Pourtant je me suis dit la chose suivante…
- Et si tu essayais quand même de le manger en prêtant un autre regard ? Et si tu essayais de le manger comme quelqu'un qui n'a pas mangé depuis trois jours et qui n'a aucune raison de faire le difficile ? Comme quelqu'un qui n'aurait que des yaourts à l'abricot dans son frigo ?
Je l'ai mangé.
Parce qu'il y a des tas de choses que les gens disent ne pas aimer mais qu'ils pourraient très bien avaler s'ils faisaient l'effort d'être un peu curieux ou de percevoir autrement.
Très rares sont les choses que l'on déteste totalement.
Pour mon compte, par exemple, c'est la cervelle ou la plupart des abats. Ainsi que l'anis, les fruits de mer crus et le gras de viande.
Mais je pourrais faire encore plus d'effort en réfléchissant bien. Je suis sûr qu'il n'y a pas tant de choses que cela que je déteste vraiment.

Tout à l'heure, je suis allé vérifier la composition du gâteau qu'on a acheté. Une charlotte aux framboises. J'ai crû que Kat plaisantait, avant-hier, lorsqu'elle m'a dit qu'il y avait de la gélatine de porc dedans.
Non. Elle ne plaisantait pas. Il y en avait bien dedans.
C'est dur d'être végétarien.
Mais c'est étrange aussi de se dire :
- Roâ, je ne le savais pas. Ce n'est pas grave.
Ca décrit parfaitement la manière dont je suis végétarien et dont la plupart des gens se comporte. Tant qu'on ne sait pas, ce n'est pas grave.
Tant qu'on ne sait pas par qui sont fabriquées ces chaussures de sport, ce n'est pas important.
Tant qu'on n'a aucun moyen de savoir si ces produits de beauté ont été testés sur des animaux, qu'est-ce que ça peut faire ?
Tant qu'on n'a aucun moyen de quantifier vraiment l'impact qu'ont nos déchets sur l'environnement, pourquoi s'embêter à trier les poubelles ?
L'ignorance est la vertu des imbéciles qui vivent heureux.
Je suis moi aussi un imbécile.
Maintenant, est-ce que j'achèterai à nouveau cette charlotte aux framboises, sachant qu'il y a vraiment de la gélatine de porc dedans ?
Je fais déjà des concessions sur les fromages. Je sais bien qu'on ne peut pas cailler le lait dans mettre (dans certains cas) des morceaux d'estomac dedans.
Peut-être que je ne mérite pas l'appellation végétarien. Mais juste celle de : " j'évite un maximum de me nourrir en étant responsable de la mort d'un animal. "
Depuis plusieurs semaines, je me demande si ça ne vaudrait pas le coup de cesser d'être végétarien quand je pars en vacances, histoire de vraiment pouvoir goûter à la culture des pays que je traverserai. La bouffe est une partie importante de la culture et je dois faire peser sur la balance le désir de respecter une certaine éthique et la volonté de m'ouvrir à l'autre en essayant de choisir ce qui me coûte le moins.
Je peux même dresser un parallèle entre le fait que je sois végétarien et la religion. Dois-je absolument être un intégriste ?
La véritable réponse à apporter à tout ça est : non.
Je dois simplement faire ce qui ne me cause aucun remords.
Et je dois me résoudre à accepter que tout ne puisse pas toujours être noir ou blanc. Il arrive certaines circonstances où l'on peut déroger à ses principes sans éprouver la moindre once de culpabilité. Et on ne doit pas laisser qui que ce soit ou quelle Foi que ce soit se mettre en travers de ce qui était bon pour nous à partir du moment où on a fait de mal à personne.
Jamais, jamais, jamais, je ne pourrai suivre une doctrine religieuse ou des stricts principes philosophiques. Le poids imposé sur la liberté de la conscience est trop cher à payer…
Beaucoup trop.
Et ça rend les gens cons.

Les quelques raisons d'être fier de soi…
Kat est contente du petit home cinéma qu'on a acheté pour cent euros, lecteur DVD inclus. Ca fait plaisir. Je l'ai monté cette après-midi, perdant deux heures que j'aurais pu consacrer à autre chose. Elle est rétribuée de son labeur en ayant acquis quelque chose qui assure plus de confort dans ce qu'on peut appeler un nid.
Je me suis fait baiser cette après-midi par l'orage. Je voulais profiter des réglages du DVD pour voir le premier épisode d'une série que je suis. Et forcément il y a eu des coupures parce qu'on est souvent maudit quand on veut voir le premier épisode d'une série qu'on aime. Je ne me suis pas énervé.
Je suis arrivé à un peu apprivoiser la chatte des parents de Kat. Je ne voudrais pas qu'elle passe trois semaines ici sans les câlins auxquels elle pourrait être habituée.
Je flippe moins à cause des vertiges ou de ces étranges sensations que je ressens dans le crâne. J'ai décidé de les mettre sur le compte soit de la fatigue visuelle (très probable), soit d'une possible connexion avec mes guides (dont la nature serait, du point de vue depuis lequel je les vois, énergétique). Dans le premier cas, je suis rationnel ; dans le deuxième, je suis un peu allumé pour la société dans laquelle je vis, mais pas plus qu'un type qui croît véritablement qu'un foutu barbu a créé Adam et Eve ou que l'enfer existe bien.

Bref… Je continue à vouloir être un papillon. Vous savez… Un de cette espèce qui butine sur les fleurs de l'âme…

Deep Space Nine
18 heures 33.

D'accord, on pourrait croire au premier abord qu'il s'agit d'une histoire avec des mecs en pyjamas dans un univers bien gland où l'humanité est devenue bien gentille. Gentille à un point que c'est pas possible d'adhérer au truc.
Et si on restait sur cette opinion, on serait un gros con.
Oui, oui, un gros con.
J'insiste bien sur gros et con.
Je me méfie des gens qui n'aiment pas la science-fiction. Ca ne me semble pas parfaitement normal de ne pas apprécier ce genre. Vouloir ne voir ou ne lire que des trucs contemporains ou policiers, c'est sérieusement éroder le manche de l'imaginaire. M'est avis.
C'est même refuser de rêver.
On a le droit d'être terre à terre, hein, remarquez… Mais pas au point d'être un gros con et de ne pas faire l'effort de passer outre ses préjugés.
Bien sûr, en matière de télévision, il y a des choses où on ne mérite pas l'appellation " gros con " si on ne les essaye pas. Ca n'élargira l'horizon de personne de louper des merdes comme " L'île de la tentation " ou des affreux soaps mal joués et mal doublés.
Mais, pour peu qu'on soit intéressé par le média télévision et qu'on ait envie de rêver, on ne devrait pas passer à côté de ce que la télé peut proposer de mieux.
Bref, rangez de côté vos préjugés sur les pyjamas et, si vous en avez les moyens (que quelqu'un les possède dans votre entourage ou que vous ayez les finances pour les avoir achetés), prenez le temps de voir un ou deux épisodes de cette série par jour.
Et vous allez prendre une claque.
Il y a tellement de thèmes qui ont été abordés, tellement de situations originales que je ne connais pas beaucoup de séries qui peuvent lui arriver à la hauteur en matière de diversité de scénarios. Et c'est aussi, par moment, une excellente mise en abîme pour observer les travers de notre société.
Evidemment, si vous le pouvez, faites l'effort de voir la série en anglais. Elle perd pas mal de son sel quand elle est doublée. Certaines voix françaises sont à chier par rapport aux originales.
Cerise sur le gâteau, certains épisodes vous feront forcément pleurer ou rire. Ce n'est souvent donné, en matière de télévision, qu'une série puisse être comme la vie. C'est-à-dire provoquer un panel d'émotions.

Tant que vous y êtes, vous ne devez pas manquer également (dans des registres différents) : Les Sopranos. Oz. Six Feet Under et la plupart des productions HBO.
Nombre de X files et de Six Feet Under méritent aussi le panthéon.
J'accorde une grande place aussi à Everwood, Le Caméléon, Les Simpsons, Marié deux enfants, Farscape, Alias, ainsi qu'à beaucoup de mini-séries britanniques.
Mais le sujet était Deep Space Nine, n'est-ce pas ?
Ce que je peux dire, c'est que plus je vois ce qu'il est possible de faire avec des séries télé, plus je me dis que je préfère le média télévision au média cinéma. Dans une série, on a vraiment, vraiment, le temps d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire de bien cerner la psychologie des personnages. C'est toujours presque trop court au cinéma et on a pas le temps de s'attacher.
Le cinéma, en outre, n'arrive pas vraiment à créer de mythologies. Alors que la télé, elle…
Il y a définitivement quelque chose qui tient de la mythologie dans Star Trek Deep Space Nine. Un quelque chose qui provoque le plus nécessaire pour passer outre un premier regard. Le regard du gros con qui ne voit que des pyjamas et des débiles avec une moralité de gland gland.
Bien sûr, il y a des séries mieux réalisées ou encore plus pertinentes sur le plan psychologique (parce qu'elles n'ont que ça à traiter). Mais vous louperiez un grand moment de télévision.
Bref, pour les quelques larmes (la gorge sèche, surtout) que j'ai ressenties hier soir, tentez - si vous en avez l'occasion et si vous avez de l'intérêt pour les séries télés - de ne pas être obtus.
Bien sûr, si vous n'aimez pas les séries télés, si vous préférez lire ou faire du golf ou faire de la varappe ou vous bourrer la gueule tous les week-end, c'est autre chose. Ce n'est pas la peine de vous forcer. On peut parfaitement vivre sans télé et je ne pourrai pas vous traiter de gros cons parce que vous vous arrêtez aux pyjamas. C'est juste qu'avec les DVDs, maintenant, on a vraiment la liberté de n'être tenus par aucun horaire et de pouvoir faire comme on veut.
Bref, tout ça pour dire que je déteste qu'on juge sans avoir fait l'effort. Et que l'effort est souvent payé en retour. Sur Deep Space Nine, ça peut prendre entre une demi-saison et deux saisons selon les personnes.

Evidemment, puisque je suis un être humain pétri de contradictions (ha ha ha), je pourrais également être un gros con. Je ne devrais pas juger les gens qui n'aiment pas la science-fiction. C'est leur droit de préférer des trucs plus réalistes.
C'est juste que je trouve dommage que leur horizon ne soit pas plus grand et qu'ils ne sachent pas avoir des ailes de papillon plus colorées. Du moins de temps en temps.
Je sais bien, aussi, que l'essentiel est d'avoir les loisirs dont on a seulement envie, de voir les choses qui nous plaisent à priori. Mais je crois qu'il faut toujours aller plus loin que les seulement ou les à priori.
Je sais bien aussi que mon horizon est limité puisque que ça me dépasse qu'on ne puisse pas aimer la science-fiction qui est le genre littéraire le plus ouvert en matière de scénarios et le plus difficile à écrire.
Mais finalement, je ne crois pas que je juge les gens en disant cela. Je dis juste que je ne les comprends pas. Les seuls que je me permets un peu de juger, ce sont ceux qui raisonnent comme des gros cons.
Quoique…
Si on présentait un Lepéniste, obtus avec la science-fiction, fou de Napoléon qu'il voit comme un grand homme, dingue de corrida et de chasse, féru d'astrologie et haïssant les chats, je crois quand même que je partirai avec un avis négatif.

Avez-vous déjà fait ces catégories et vous êtes-vous dit : houla, la personne qui n'aime pas ci ou ça, elle n'est pas catholique ou elle ne pourrait pas faire partie de mon monde.
Oui, sans doute.
Moi j'en ai quelques-unes.
Les personnes qui croient en leur religion ou leurs trucs paranormaux sans conscience ou réflexion sur le sujet, celles qui n'aiment pas les chats, celles qui jugent les amateurs de science-fiction comme des demeurés aimant la sous-littérature, celles qui adorent Napoléon (erk, quel connard historique), celles qui jettent des saloperies par terre sans se préoccuper de l'environnement, celles qui roulent exprès pas assez vite sur la route, celles qui choisissent de faire des métiers où il est clair qu'elles vont enculer le monde…
Et il y en a d'autres, bien sûr…
Ce qui rend la vie si compliquée. Et si attrayante aussi parfois. Parce qu'il faut alors se creuser pour se trouver des points communs ou se forcer à voir les choses de leur point de vue.

moi, être devenu pas bon en dessin, hu hu hu...



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