La Boîte en Sapin

La boîte en sapin
3 heures 21, le 24 / 11 / 2004

C'est étrange, je ne crois pas vraiment en la numérologie, du moins la numérologie déterministe régie en pseudo-science par des pseudo-devins, mais je ne peux m'empêcher de voir des chiffres revenir sans cesse.
Pour mon compte, j'ai une tendance à préférer le 5, le 8 et le 13. Mais c'est le 5 qui est le grand gagnant dans sa récurrence. Ma date de naissance donne un 5, le nombre de lettre dans mon nom et mon prénom aussi, la numérologie me dit du chiffre 5, le numéro que j'avais au bac était le 5, c'est la cinquième liste que j'ai choisie quand j'ai passé mon permis, une liste très facile. Et là, avant d'aborder un sujet qu'on ne doit pas si souvent aborder, je me rends compte que la date du jour donne aussi un 5.
Bref, le chemin que je traverse dans cette vie-ci est plus marqué, sur le champ synchronistique (hou les affreux néologismes), par le chiffre 5.
C'est une bonne chose que j'aie choisi cette date, donc, pour fêter ma mort.
Ouais, ma mort.
Non, rassurez-vous, je ne vais pas me tirer une balle ou me suicider. J'ai des crises d'angoisse, un sentiment assez profond d'échec et un peu de bleu à l'âme à cause des cicatrices dans mon œil, mais ce n'est pas suffisant pour que je me fasse sauter le cabochon.
Non, c'est juste que j'ai décidé que ça serait bien que le 24 Novembre soit le jour où je célèbre ce passage et où je puisse me remémorer à quel point l'existence est fragile et le temps file inexorablement vers la boîte en sapin. Ou le vase en céramique. Peu importe.
Il y a peu, je regardais une excellente série - Northern Exposure - et le personnage philosophe du show disait qu'il admirait les gens qui avaient le sens de l'aventure ou le courage d'accomplir des choses avec leurs moyens et à leur niveau…
C'est un peu sous cet angle là que je vois les choses.
Parce que, imaginons bien, la mort fait partie du cycle de la vie. C'est même la seule chose qui nous atteindra tous. Et regardez comment elle est célébrée dans nos pays civilisés… Hein, regardez un peu.
On fait tout pour maintenir en vie des vieillards trop usés qui ne demandent qu'à passer, pour sauver des enfants prématurés qui risquent d'être handicapés toute leur vie… Mais on ne fait pas grand-chose pour notre âme, pour la parcelle de nous qui ne cessera jamais de s'angoisser vis à vis de la mort, tout simplement parce qu'on ne sait plus comment révérer la chose.
Pourquoi ne pas se donner un peu plus de pouvoir sur la mort ? Pourquoi ne pas se dire :
- Hé, mec, c'est ce jour-ci que j'aimerais mourir ! C'est ce jour-ci que je voudrait que la dame aux atours noirs m'emmène avec elle de l'autre côté, dans le monde où je ne serai plus matière, où je ne serai peut-être plus rien, où je deviendrai peut-être étincelle du divin.
Evidemment, on n'est pas sûrs de pouvoir tomber juste sur la bonne date. C'est sûr. A moins de vouloir partir en se suicidant. Moi, j'ai déjà raconté que c'est comme ça que je préférerais mourir. Il n'y a rien que je respecte plus que le droit de décider quand en finir. Même si on se doit à ses proches, on se doit avant tout à soi. Comment être respecté si on n'est pas en accord avec sa nature profonde ? Hein ?
Pour ceux, parmi vous, qui auraient une rangée de pralines dans le fondement, sachez que je ne fais pas l'apologie du suicide. Je ne fais que clamer le fait, qu'à mon humble avis, c'est la manière de mourir la plus juste qui soit. Juste dans l'acception : être en accord avec soi-même. Décider soi-même plutôt que de se faire baiser par le destin.
Mais revenons à nos petits bêlants.
Fêter l'anniversaire de sa mort. Ouais… Ca en jette, hein.
Donc, en ce jour, je me fais les promesses suivantes…

Si je suis victime d'une maladie incapacitante, je veux me terminer un vingt-quatre novembre.
Si je suis trop vieux et que j'en ai plein le cul de tous ces soins de merde, je veux me terminer un vingt-quatre novembre.
Si je tiens le coup comme il faut, avec les progrès de la médecine, je veux que ça soit le vingt-quatre novembre 2063 parce que j'ai toujours eu cette pensée que je crèverais à quatre-vingt-quinze piges.
Si je ne suis pas en mesure de me terminer à cette date là ou si je crève avant cette date, je veux que ça soit cette date là qu'on écrive sur mon épitaphe.
Si je reste aussi entier que ce jour précis, je veux, à partir de maintenant, fêter un anniversaire de plus tous les vingt-quatre novembre. Un anniversaire dédié à tout ce qui reste à accomplir parce que la vie est courte et qu'on ne doit pas toujours se laisser aller. Un anniversaire destiné à faire ce qu'on devrait tous faire, au moins une fois par an : un bilan.
Et je veux qu'à chaque année passée, il y ait quelque chose d'important, quelque chose de plus dans une boîte. Un signe que j'ai progressé, un signe que la vie ne s'écoule pas en vain.
Célébrer la mort pour mieux glorifier la vie. Ma pauvre vie (sur le plan professionnel ou financier du moins) ne mérite pas tellement d'être célébrée si je fais un retour arrière. Mais, hé, il y a ces autres choses. Ne serait-ce que le fait d'avoir eu cette idée que je trouve particulièrement géniale.
Hu ? Je me jette des fleurs ?
Hé, ça fait partie de mon homélie. Je ne vais pas passer du temps à me plaindre, non ?
Alors, pour ma première fête (normalement, il devrait m'en rester 59… Hou… Encore un chiffre 5), voici ce que je mets dans ma boite, voici ce que je suis fier d'avoir accompli jusqu'à présent et les raisons pour lesquelles ma vie a valu la peine d'être vécue…

- J'ai été là lorsqu'une jeune fille est devenue une femme. Et je suis là lorsqu'elle a besoin de moi. J'ai la sensation que je serai toujours là et si ce n'est pas le cas, je sais que j'ai changé sa vie, à jamais. Oui, je suis fier d'être aimé comme ça. Parce quand on est aimé comme ça, on ne peut pas être totalement une merde.
- J'ai eu cette idée… D'autres l'ont sans doute déjà eue. Enfin, je suppose. Mais je l'ai eue tout seul, sans être inspiré par rien d'autre que mes pages du jour.
- Je me tiens à faire un truc vraiment important depuis plus d'un an. Un truc qui sera un véritable témoignage de ce qu'a été ma vie. Un truc que j'estime avoir une certaine qualité : celle de respecter ma religion ou ma philosophie. Mes pages du jour ne témoignent peut-être pas autant, sur le plan visuel, de mes qualités d'artiste que des personnages que j'ai créés, mais peu importe, ce sont elles qui m'ouvriront les portes sur tout ce que j'ai déjà créé.
- Je ne suis pas sectaire ou aveuglé par une religion. Je sais que je casse du sucre sur l'astrologie et la numérologie, mais c'est juste un cheval de bataille pour jouer au con. Je n'aime pas que des gens se fassent baiser, c'est tout. Et les gens se font le plus souvent baiser avec ces conneries. De fait, j'accepte qu'on puisse croire en tout et n'importe quoi, à partir du moment où on est capable d'expliquer intelligemment comment on en est arrivé là.
- Je me suis créé ma religion et ma philosophie. Un truc simple qui se résume en 6 mots (ou douze si on veut y mettre plus d'aspects). C'est pas un mot forcément joli. C'est pas quelque chose qui révolutionne quoi que ce soit parce que ça ne concerne que moi. Mais c'est comme ça que je suis, détaché de tas et tas de siècles de puritanisme mielleux et d'hypocrisie religieuse.
Hivavi
Ne perdez pas votre sens de l'Humour ou de l'auto-dérision,
Ne laissez jamais mourir votre Imagination,
Voyagez dès qu'il vous en est donné l'occasion,
Mettez un peu d'Art dans toutes vos réalisations,
Laissez-vous un peu aller à vos rêves et Visions,
N'ayez pas peur d'affronter l'Inconnu et d'écouter vos Intuitions…

Bon anniversaire, boîte en sapin.
Je joins dans la boîte une banale mèche de cheveux et un dé pour symboliser les forces de la vie et de l'entropie…

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